Contexte
Les peintures antifouling (antisalissures) classiques — même si certains de leurs composants sont désormais interdits —, restent très polluantes (Amara et al., 2018). Leur utilisation concerne les coques des bateaux, mais aussi de nombreux aménagements : hydroliennes, canalisations, ouvrages portuaires… L’enjeu en matière de développement durable est important, à la hauteur de l’impact possible sur les écosystèmes marins. Parvenir à remplacer ces peintures par des solutions propres fondées sur la nature est donc l’un des grands défis des années à venir.
Programme
Le but du programme MARINA (Marine Antifouling) mené par l’Institut océanographique Paul Ricard, en partenariat avec le laboratoire universitaire MAPIEM[1], est d’utiliser des molécules naturelles qui rempliraient le même rôle, c’est-à-dire empêcher les organismes colonisateurs de se fixer, mais sans apports de produits chimiques néfastes pour l’environnement.
Les chercheurs s’inspirent de ce qui existe déjà dans la nature selon le principe de la bio-inspiration (ou du biomimétisme). En effet, un grand nombre d’espèces marines ont adopté au cours de l’évolution des stratégies multiples pour se prémunir du biofouling. Les éponges, coraux et algues, par exemple, sont capables de secréter des molécules répulsives particulièrement efficaces (Dobretsov et al., 2013 ; Qian et al., 2015 ; Dahms & Dobretsov 2017 ; Saha et al., 2018).
Il a fallu à la fois parvenir à isoler des molécules prometteuses, puis mettre au point des méthodes de test reproductibles et fiables pour valider leur efficacité.
[1] Université de Toulon, Laboratoire Matériaux Polymères Interfaces Environnement Marin.
Phase 1
Une série de tests portant sur plusieurs molécules naturelles isolées par le Laboratoire MAPIEM à partir d’une algue brune, T. atomaria, ou de microalgues tropicales, a permis de mettre en évidence des activités antisalissures sur des biofilms bactériens[1] et sur des larves de crustacés encroûtants que sont les balanes (Othmani et al., 2016 ; Réveillon et al., 2018).
[1] Amas de microbes formant une mince couche visqueuse sur une surface naturelle ou artificielle et qui correspond au premier stade de colonisation de divers supports.
Phase 2
Un second volet du programme porte sur la mise au point de tests innovants haut-débits destinés à évaluer l’efficacité anti-macrofouling des nouvelles molécules ou revêtements issus de la recherche (Briand, 2009). Ce bio-essai utilise des spores d’ulves, Ulva rigida, algue communément appelée « laitue de mer », en complément des tests utilisant d’autres espèces colonisatrices des surfaces, comme les larves de balanes. La fluorescence émise par la chlorophylle contenue dans les spores de cette algue est ici mise à profit pour quantifier de façon indirecte et rapide le taux de fixation des spores en présence de molécules naturelles ou sur le support étudié et ainsi de jauger leurs propriétés antifouling. De plus, en choisissant des organismes marins phylogénétiquement éloignés comme indicateurs du biofouling — algue (laitue de mer) et crustacé (balane) —, il est possible d’estimer l’amplitude du spectre d’action des molécules ou revêtements étudiés.
Date de modification : 23 septembre 2020
Amara Intissar, Miled Wafa, Rihab Ben Slama & Ladhari Neji. Antifouling processes and toxicity effects of antifouling paints on marine environment. A review. Environ Toxicol Pharmacol (2018) Jan;57:115-130.
Sergey Dobretsov , Raeid M.M. Abed & Max Teplitski (2013) Mini-review: Inhibition of biofouling by marine microorganisms, Biofouling, 29:4, 423-441
Pei-Yuan Qian, Zhongrui Li, Ying Xu, Yongxin Li & Nobuhiro Fusetani (2015) Mini-review: Marine natural products and their synthetic analogs as antifouling compounds: 2009–2014, Biofouling, 31:1, 101-122
Dahms, Hans Uwe, & Sergey Dobretsov. Antifouling Compounds from Marine Macroalgae. Marine Drugs 15.9 (2017): 265. PMC.
Mahasweta Saha, Franz Goecke, & Punyasloke Bhadury. Minireview: algal natural compounds and extracts as antifoulants. J Appl Phycol. (2018) 30(3): 1859–1874.
Othmani Ahlem, Bunet Robert, Bonnefont Jean-Luc, Briand Jean-François, Culioli Gérald – Settlement inhibition of marine biofilm bacteria and barnacle larvae by compounds isolated from the Mediterranean brown alga Taonia atomaria. Journal of Applied Phycology (2016) 28(3), 1975-1986.
Réveillon Damien, Tunin-Ley Alina, Grondin Isabelle, Othmani Ahlem, Zubia Mayalen, Bunet Robert, Turquet Jean, Culioli Gérald & Briand Jean-François – Exploring the chemodiversity of tropical microalgae for the discovery of natural antifouling compounds. Journal of Applied Phycology (2018) in press.
Briand, J.F. Marine antifouling laboratory bioassays: An overview of their diversity. Biofouling (2009) 25, 297–311