Contexte
On rencontre en Méditerranée deux espèces d’hippocampes : l’espèce à nez court, Hippocampus hippocampus et l’espèce moucheté, Hippocampus guttulatus. Ils vivent dans les herbiers de posidonie ou de zostères et dans les algues, de la surface à plus de 50 mètres de profondeur, mais souffrent aujourd’hui d’une raréfaction des habitats, due à la dégradation du littoral et aux activités humaines. Par ailleurs, ces deux poissons singuliers ne bénéficient d’aucun statut de protection particulier malgré leur inscription sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) au titre d’espèces menacées. Leur réintroduction au sein d’espaces protégés pourrait permettre de limiter le déclin actuel des populations.
Programme
La reproduction et l’élevage jusqu’à la taille adulte des espèces méditerranéennes d’hippocampes sont aujourd’hui parfaitement maîtrisés par l’Institut, et près de 1000 individus élevés ont été distribués aux aquariums publics, en France et à l’étranger, évitant ainsi de nouvelles captures en milieu naturel.
Par le passé, le tout premier lâcher expérimental effectué dans l’étang de Thau n’avait pas été très concluant, en partie à cause d’une absence de suivi des individus.
Aujourd’hui, c’est la première fois qu’un programme complet est mis en place : élever des hippocampes en établissant leur profil génétique et celui de leurs géniteurs, les réintroduire, et assurer un suivi des populations sur plusieurs années. On peut espérer qu’un lâcher dans une réserve intégrale telle que celle du Larvotto présente de bonnes chances de réussite, et pourra dans l’avenir servir de modèle pour d’autres espaces protégés.
Phase 1
Neuf géniteurs sélectionnés à l’Institut ont été bagués (colliers colorés : mâles en bleu et femelles en jaune), avec l’attribution d’un numéro d’identification. Cinq d’entre eux, deux mâles et trois femelles, proviennent du Brusc (Var), les quatre autres, deux mâles et deux femelles, de la région de Cavalaire (Var).
Sur chacun d’entre eux, un mince filament de peau a été prélevé, une opération totalement indolore, comme lorsque nous nous coupons les ongles. Le laboratoire PROTÉE de l’Université de Toulon a réalisé l’analyse génétique de ces géniteurs (génotypage de séquences ADN microsatellites), afin d’obtenir leur « carte d’identité ».
Phase 2
Après obtention et grossissement des juvéniles issus de différents couples de géniteurs jusqu’à leur différentiation sexuelle, un certain nombre de précautions ont été prises avant de procéder à un lâcher dans le milieu naturel. Par exemple, éviter de réintroduire des individus frères et sœurs, afin de réduire le risque d’accouplement entre individus apparentés et ainsi prévenir les effets de consanguinité, et le risque d’appauvrissement de la diversité génétique des populations naturelles. Pour cela, la caractérisation génétique des descendants a été réalisée et 36 hippocampes matures, soit 18 couples potentiels, ont été sélectionnés pour être relâchés.
Phase 3
Une fois toutes les autorisations administratives obtenues, les hippocampes issus de ces différentes reproductions seront introduits dans la Réserve du Larvotto. Le suivi sera ensuite assuré in situ par l’Association monégasque pour la protection de la nature (AMPN) afin d’estimer leur taux de survie, leurs éventuels déplacements, ainsi que leur capacité de reproduction (la reconnaissance des différents lots sera facilitée par le marquage initial des hippocampes relâchés).
Date de modification : 23 septembre 2020
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