Fin 2020, plus de 600 chercheurs réunis au sein d’un réseau indépendant d’experts méditerranéens sur le changement climatique et environnemental (MedECC) publiaient un rapport consacré aux connaissances scientifiques sur le pourtour méditerranéen. La région, déjà largement impactée, va devoir faire face à de nombreux défis.
L’augmentation de la température dans le bassin méditerranéen a déjà atteint 1,5 °C pour une moyenne mondiale de 1,1 °C, la région figure aujourd’hui parmi les « hot-spots » mondiaux du changement climatique en raison de sa vulnérabilité à de nombreux risques cumulés. Le but du réseau, au-delà de la mise en commun de toutes les données dont on dispose, est de créer une synergie entre tous les domaines de compétence concernés, à l’échelle de la région, pour offrir notamment aux décideurs des informations et des pistes de travail indispensables, compte tenu des difficultés qui s’annoncent.
Des populations impactées par la montée des eaux
Plus de 500 millions de personnes peuplent aujourd’hui le pourtour méditerranéen, un chiffre qui continuera à augmenter au cours des prochaines décennies. Or une grande partie de la population est installée au plus près des côtes, et risque d’être rapidement impactée par l’élévation du niveau de la mer. Sur le dernier siècle, il a monté de près de 20 cm tout comme l’océan global avec une accélération de 6 centimètres sur les derniers 20 ans ! Là encore, malgré les projections réalisées, il n’est pas possible d’annoncer avec certitude des chiffres, mais il est facilement imaginable que le phénomène s’accélère. De nombreuses villes méditerranéennes comme Marseille risquent donc d’être directement impactées. Les milieux ruraux et les cultures, le seront aussi, avec une salinisation des sols, encore plus marquée au niveau des deltas. Les experts estiment ainsi que les risques d’inondations côtières, d’ici à 2100, seront sans doute multipliés par 2, avec une élévation moyenne pouvant dépasser le mètre dans le cas du scénario le plus pessimiste. A cela s’ajoute une érosion du littoral, estimée quant à elle à 13% sur la même période.
Une probable diminution de la ressource en eau
Les ressources en eau, du fait de l’augmentation des températures, qui s’ajoute à une réduction globale des précipitations estivales, vont diminuer. Et même s’il n’est pas possible, à ce jour, d’évaluer de manière précise dans quelle mesure, le groupe d’experts situe la réduction de la ressource entre 10 et 30% d’ici une vingtaine d’années. Or, il existe déjà un déséquilibre : les trois quarts des ressources en eau sont utilisées dans le nord du bassin, alors que les trois quarts de la population vivent dans sa moitié sud ! Il faudra donc trouver des solutions, que ce soit en matière d’irrigation des cultures ou de gestion des eaux usées, pour pouvoir satisfaire les besoins de tous. D’autant plus que la productivité des cultures diminue avec l’augmentation des températures. Celle du blé, par exemple, chuterait de 7,5% par degré de réchauffement. Enfin, la multiplication de ce nous appelons les « canicules », en fréquence et en intensité, aura un impact humain, sanitaire et social, avec lequel il faudra compter.
Mais des épisodes climatiques destructeurs
La diminution globale des précipitations sera par ailleurs assortie, même si cela peut sembler paradoxal, d’une multiplication des épisodes climatiques destructeurs, comme on le note déjà depuis une dizaine d’années : des pluies intenses, concentrées à la fois dans la durée et dans leur localisation, provoquent des inondations sans précédent, avec tout leur cortège de dégâts matériels, mais aussi de plus en plus souvent humains. Ces « épisodes méditerranéens », qui surviennent généralement en automne, sont liés aux phénomènes orageux quand l’atmosphère extérieure se refroidit alors que les eaux de surface, en mer, restent chaudes. Ils devraient, dans l’avenir, se multiplier en nombre et en intensité, dans la mesure où la température de l’eau ne cesse d’augmenter, et ne redescend plus rapidement en fin d’été comme c’était encore le cas il y a une vingtaine d’années.
Une modification de la biodiversité
La mer Méditerranée, depuis 25 ans, s’est réchauffée de près de 1°C, et cette augmentation des températures pourrait atteindre 2,5°C au cours du siècle à venir. En offrant des conditions propices à l’arrivée d’espèces dites tropicales, elle risque bien à terme de modifier notre biodiversité. Les écosystèmes ont toujours subi des influences extérieures, et une modification de la biodiversité ne signifie pas forcément un appauvrissement. Mais le phénomène s’accélère et ne laisse pas toujours à la nature le temps de s’adapter : lorsqu’une espèce dite invasive s’installe, si elle le fait de manière trop rapide elle va prendre la place d’une espèce locale traditionnelle. C’est ce qui pourrait par exemple se produire avec la saupe, en concurrence directe avec le poisson-lapin, lui aussi herbivore et de plus en plus présent. Cette trop grande rapidité d’évolution peut mettre en péril nos écosystèmes, en les déséquilibrant.
Une acidification des eaux
L’absorption du CO2 atmosphérique, comme partout ailleurs, limite le réchauffement de l’atmosphère, mais perturbe la chimie de l’eau et provoque son acidification. On estime, dans le nord-ouest de la Méditerranée, que cette acidité a augmenté de 10% depuis 25 ans. Au rythme actuel des émissions, elle pourrait encore augmenter de 30% d’ici 2050, ce qui mettrait en péril bon nombre d’espèces.
Au-delà des capacités d’adaptation, de résilience, de notre bassin méditerranéen, le rapport conclut à la nécessité absolue de restreindre drastiquement les émissions de gaz à effet de serre dans la région, seule solution pour éviter une catastrophe climatique, et de fait, socio-économique.
Lien pour télécharger le rapport
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Photo P. Lelong, île des Embiez.