La grande nacre, Pinna Nobilis, rejoint le groupe des espèces « en danger critique d’extinction »sur la liste rouge de l’IUCN. Un triste classement, conséquence directe de l’épizootie qui touche le plus grand mollusque bivalve de Méditerranée depuis plus de trois ans.
La mortalité massive des populations, rappelons-le, s’est tout d’abord manifestée en Espagne, fin 2016, dans la région d’Alicante et autour des Baléares, où l’épizootie a provoqué l’anéantissement de 80 à 100 % des individus. Au cours de l’été 2017, elle a progressé pour atteindre la côte catalane, puis le Golfe d’Ajaccio, la Réserve marine de Cerbère-Banyuls, et toutes les côtes de la Corse durant l’été 2018. Depuis, le phénomène n’a cessé de s’étendre sur tout le pourtour méditerranéen, et seules quelques populations isolées subsistent.
Une espèce endémique protégée depuis 1992
« Dans le passé, comme le précise l’IUCN, les principales menaces étaient très localisées et provenaient de la pêche illégale, de la perte d’habitat, de l’ancrage des bateaux, des espèces envahissantes… » Mais depuis sa mise en protection en 1992, la grande nacre avait retrouvé un niveau de population très satisfaisant, notamment dans les Aires Marines Protégées où l’on comptait des densités qui pouvaient aller jusqu’à une vingtaine d’individus sur 100 m2, comme par exemple dans la Réserve marine de Scandola. Elle doit aujourd’hui faire face à un redoutable parasite, Haplosporidium pinnae, « qui ne semble d’ailleurs pas s’attaquer à d’autres espèces, précise le Pr Nardo Vicente, comme Pinna rudis par exemple. »
Un parasite qui profite de la hausse des températures
Et son activité augmente lorsque la température de l’eau s’élève. Comme on l’a déjà constaté pour d’autres parasites et virus, il était peut-être en dormance. Il profiterait aujourd’hui de conditions plus favorables, dues au changement climatique global de la planète, et à l’augmentation de la température des eaux méditerranéennes : elles ne se refroidissent plus suffisamment en hiver et atteignent chaque été, parfois même dès la fin du printemps, des records de température, qui favorisent la progression et l’épanouissement du parasite. Concrètement, on ne peut donc pas l’empêcher de se propager, même si plusieurs laboratoires méditerranéens travaillent actuellement pour mieux connaître son fonctionnement.
L’espoir repose sur quelques populations résistantes
« Le rétablissement naturel des populations touchées, souligne le communiqué de l’IUCN, dépendra uniquement d’individus résistants et du recrutement. » Il est donc indispensable de maintenir une surveillance constante des populations, comme le fait l’Institut dans plusieurs Aires Marines Protégées, par exemple la Réserve de Scandola et le Parc national de Port-Cros ; ou à travers le réseau de surveillance de la partie française des populations, de Monaco à Banyuls, animé et coordonné par le Pr Nardo Vicente : chercheurs, mais aussi clubs de plongée ou associations de sauvegarde de l’environnement continuent à l’enrichir de leurs observations.
« Étant donné que le rétablissement naturel des populations dépendra du recrutement, il est recommandé de surveiller les colonies de larves dans les sites touchés et non affectés au moyen de collecteurs de larves », précise également le communiqué. « Ce que nous faisons déjà, explique Nardo Vicente, en installant des collecteurs larvaires depuis 1996 en divers sites du littoral méditerranéens français (Port-Cros, Scandola, Parc marin de la Côte Bleue, Archipel des Embiez). Ces collecteurs permettent de mettre en évidence l’évolution de la biodiversité marine d’un site donné. »
Dans l’avenir, transplanter des individus ?
Parmi les pistes évoquées pour sauver la grande nacre de Méditerranée, l’organisation évoque également la transplantation d’individus, mais en soulignant le risque de déplacer des « porteurs sains » qui iraient à leur tour contaminer des populations jusque là épargnées. Autre piste, implanter « des juvéniles provenant de collecteurs de larves et d’élevage ex situ ».