A l’occasion de sa visite sur l’île des Embiez, Peter Thomson, Envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour les océans, répondait aux questions de Patricia Ricard : solutions fondées sur la nature, mécénat, innovation, il nous donne sa vision de la préservation du milieu océanique. Avec un message clair : « Nous n’avons qu’un seul océan, et il va nous falloir trouver des solutions communes. »
Après avoir passé le week-end à vous entretenir avec des scientifiques, des pêcheurs, avec quelles idées repartez-vous pour la protection de l’océan ?
Pour moi cette visite de l’Institut et le fait de rencontrer une palette de gens très différents, des pêcheurs aux scientifiques, a été très encourageant. Je pense que je repars avec le sentiment que les problèmes auxquels nous devons faire face sont probablement plus importants que ce que nous pensons, mais qu’au vu du grand nombre de personnes désormais impliquées, et des gens bien comme ceux avec lesquels nous avons parlé aujourd’hui, nous trouverons les solutions – par l’innovation et la mise en place de ces solutions à travers de bons principes scientifiques. Nous trouverons les solutions mais nous sommes désormais conscients de devoir faire face à un problème vraiment gigantesque.
Pensez-vous que le secteur privé devrait s’impliquer davantage dans le parrainage de la recherche ?
Je pense en fait que si le secteur privé pense vivre sur une planète où rien de tout ceci ne se produit, ils vont tous se retrouver comme Kodak et mettront la clé sous la porte dans un avenir très proche. Les entreprises qui survivront seront celles qui voient l’avenir comme nous nous le voyons, par le prisme de la science, et qui s’adaptent et décident de faire partie de la solution plutôt que de faire partie du problème.
Pensez-vous que le mécénat devrait être plus dynamique ?
Oui, je considère que pour le secteur privé ce n’est pas seulement une question de mécénat, qui bien sûr est un élément important, notamment pour la science, qui a besoin de soutien financier. Pour le secteur privé il s’agit aussi de changer les systèmes, d’anticiper en termes de systèmes de production et de répondre à la demande des consommateurs, car les consommateurs vont de plus en plus rejeter les produits qui n’ont pas un caractère durable ou qui sont mauvais pour la nature et donc mauvais pour nous.
A votre avis, les « solutions fondées sur la nature » sont-elles donc la solution pour faire face au changement climatique et protéger la biodiversité ?
Oui, et je pense que les partisans des solutions fondées sur la nature vont devoir dépasser leur domaine spécifique. Ce que je veux dire c’est que, pour ma part, auparavant je pensais bien sûr essentiellement aux mangroves et aux herbiers sous-marins. Mais désormais je réfléchis davantage en termes de micro-organismes des océans. Et après m’être entretenu avec les scientifiques aujourd’hui, je pense que lorsque nous parlons de solutions fondées sur la nature pour l’océan, nous devons penser à l’écosystème océanique dans son ensemble.
La mer Méditerranée est souvent considérée comme un océan modèle et comme un exemple de ce qui peut être fait ou de ce qu’il ne faut pas faire. Que pensez-vous de cette façon de voir ?
Vous savez, pour ce qui est de la Méditerranée, mon message serait : ne vous considérez pas comme un cas spécial. L’océan est un tout. Nous sommes tous connectés. Les effets qui s’exercent sur l’océan d’un côté de la planète vont affecter l’autre côté à un moment ou un autre, donc voyez cela comme un tout. Ne croyez pas que parce que les rivages méditerranéens sont très peuplés vous soyez différents et que les conditions qui sont les vôtres seront différentes. Non, nous n’avons qu’un seul océan, une planète et il va nous falloir trouver des solutions communes.
Propos recueillis par Patricia Ricard, Présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard.